lundi 2 juillet 2012

Eloge de la moule

Quelle idée veut qu'une voie enchaînée en second de cordée ait moins de valeur, voire pas de valeur du tout par rapport à une voie en tête ?
Quelle est la raison qui oblige à grimper en tête ? Certes, pour grimper en second il faut déjà avoir monté la corde, mais a-t-on à se soucier de comment on y est parvenu ?
Quand on travaille une voie pour l'enchaîner en tête, se soucie-t-on de la façon de procéder ? Invalide-t-on la performance parce les dégaines sont déjà en place, voire rallongées, ou parce qu'on a fait des traits de magnésie ? Invalide-t-on l'enchaînement - comme en compétition - parce que des points ont été sautés, au risque de se blesser en chutant, mais avec l'avantage de moins se fatiguer ? Non, bien évidemment.

En bloc il faut gérer la chute et la hauteur, mais en voie, du moment que le but n'est plus de gérer la réception au sol, du moment que la disposition des mousquetonnages, qui participe à la difficulté de l'ensemble, n'est que le résultat d'un travail humain et non plus géologique, il n'y a pas de légitimité à respecter cette règle d'escalade en tête pour pouvoir revendiquer l'enchaînement d'une voie. Grimper en tête, c'est également se rajouter du poids avec le tirage de la corde. Mousquetonnage, tirage, autant d'entraves qui éloignent le grimpeur de la "pureté du geste".

Le seul intérêt de grimper en tête est de pouvoir plus aisément travailler les mouvements, grâce à une meilleure maîtrise de l'élasticité de la corde et du dévers quand on se pend.
C'est peut-être aussi de pouvoir plus facilement valider une performance, car il est possible d'alléger le grimpeur qui monte en second. On rétorquera que c'est aussi le cas du grimpeur en tête, lorsqu'il est en dessous du point qu'il vient de clipper, ou pire, lorsque l'assureur aide à retenir les balans.

En compétition l'escalade de vitesse se pratique en second sans que cela ne choque personne, tandis qu'en difficulté, les grimpeurs sont dans des enchaînement semi-statiques en s'arrêtant tous les 2 à 3 mouvements pour clipper. C'est très désagréable à pratiquer, mais également à regarder tant cela manque de fluidité.

L'escalade en second, c'est la possibilité de grimper non stop du départ à l'arrivée sans clipper. De manière générale une voie en second sans avoir à clipper et sans tirage sera plus facile que la même voie en tête, sauf pour les voies très déversantes et/ou en traversée, où le grimpeur en second sera terrorisé à l'idée de chuter.

Plus facile, mais pas pour autant moins légitime du moment que l'enchaînement des mouvements est là !

Travail d'une voie en tête, enchaînement en second, voilà ma recette de l'escalade du futur.

Sortons du début du XXeme siècle. L'escalade n'est plus l'alpinisme, ce n'est plus une idéologie avec ses héros sacrifiés pour les premières himalayennes, c'est un sport. Faisons grimper également les compétiteurs de difficulté en second, sans déclipper, le spectacle n'en sera que plus spectaculaire !