jeudi 29 décembre 2011

Topocrisie

Ce séjour en Suisse donne l'occasion d'une petite pique contre l'hypocrisie de certaines pratiques. En l'occurrence la grimpe à Brione.
Ce site du Tessin presque autant réputé que Chironico et Cresciano a donné lieu à de nombreuses vidéos dont de très célèbres dans la série des Dosage. Il s'en est suivi une renommée internationale, une fréquentation importante, mais surtout des comportements irrespectueux dénués de bon sens. En fait essentiellement du piétinement d'herbe pour le foin, de la grimpe sur les blocs trop près des maisons, des franchissements / endommagements de clôtures, et que sais-je encore.
Au final, une interdiction de publier des topos pour limiter la fréquentation. Ce qui n'empêche nullement les grimpeurs de pratiquer par bouche à oreille, puisque l'escalade n'est pas interdite à proprement parler.

Je pourrais comprendre qu'on garde certains sites secrets, à condition que tout le soit. Le site de Plex était dans ce cas jusqu'à ce qu'on commence à voir des vidéos et des news de croix, de la part de ceux-là même qui plaident en faveur d'une certaine confidentialité. Signe d'ouverture réelle ou dérapage ?

Mais à Brione l'incohérence est complète. On peut tout faire sauf des topos officiels. Il en résulte une forme d'élitisme où il faut faire partie des initiés pour obtenir des infos. Etre suffisamment fort par exemple, connaître des locaux ou des gens qui y sont allés (donc a priori des forts) etc... Quelle belle image de l'escalade...

Est-ce que pour autant ces "initiés", qui ont le privilège de bénéficier de topos officieux ou de guides, sont-ils plus respectueux des lieux et des habitants que ceux qui sont mis sur le côté ? Permettez-moi d'en douter.

Les plus naïfs dans cette histoire sont ceux qui ont accepté le deal de la non publication de topos en pensant que la situation s'améliorerait. Le meilleur moyen de protéger un spot, c'est de commencer par ne pas en faire la pub : pas de vidéos, et des cotations hyper serrées pour dégoûter le touriste.

Chironico Noël 2011 /1

Après plusieurs Noëls à Fontainebleau, nous avons opté pour la Suisse cette année. Sans regret car il fait un temps radieux jusqu'à présent comparé à la pluie francilienne. Une grosse semaine, c'est l'occasion de se poser davantage que lors des 3 précédents séjours de 4 jours, souvent pollués par une météo capricieuse et une collante très limitée.

Au fil des séjours j'apprécie de plus en plus le bloc dans le Tessin. Il y a tout de même quelques bijoux et les styles sont variés : on y trouve de vrais murs / dalles comme on n'en voit pas à Rocklands, des plats, de la compression... Et à de quelques exceptions près cela ne broute pas trop.

Quelques croix sympathiques, celles en photo, ainsi que confessions of a crap artist, 8a (soft ?) avec le "vrai" départ en bas, guère plus de 7b+ en version raccourcie, répétée plusieurs fois pour filmer la sortie alors que la caméra était tombée sous une rafale de vent.
Derrière la satisfaction se pose la question de l'exactitude des cotations. Freak peut valoir son 8a+, dans tous les cas pour ceux dont la spécialité n'est pas le plantage d'arquées. Par contre dur d'accorder 8b pour Delusion, à gainage mais plus long que difficile, d'autant que les mouvements les plus intenses sont au début. Pour un spécialiste du crochet de pointe, qui permet d'empêcher le balan en photo, il n'y a aucun mouvement "bloc" tel qu'on l'imagine dans un 8b.
Un départ direct et une variante à gauche offrent deux projets d'allure lunaire. Dommage que ce secteur soit en pleine pente, très vite à l'ombre, et à l'aplomb de l'autoroute, donc bruyant...

Delusion of grandeur, 8b (link)

Clocher avec vue sur Chironico en arrière plan

Freak brothers, 8a+


jeudi 8 décembre 2011

Encore un effort !

L'actualité de la grimpe est dans la lignée du dernier post "à quand le 9A bloc ?". En effet Adam Ondra vient de confirmer et d'affirmer à 8C+ le bloc Gioia de Christian Core.
http://www.planetmountain.com/english/News/shownews1.lasso?l=2&keyid=38876

C'est qu'il a l'air de forcer pour une fois !

La période se prête également à une petite nostalgie personnelle à double titre.

En effet Christian Core était vainqueur de la coupe du monde en 99 et 2002, période où j'officiais également en équipe de France épisodiquement. Comme quoi, même si le niveau progresse, les forts d'hier restent forts aujourd'hui quand bien même ils dépassent la trentaine (34 ans l'année de l'enchaînement de Gioia si mes comptes sont exacts).

D'autre part, Ondra, de passage en forêt, a fait l'honneur de se consacrer en premier à Sideways daze, un des enchaînements qui m'a le plus marqué http://bleau.info/rempart/1250.html
Le bloc est encore un poil plus dur qu'à l'époque avec sa prise de départ ébréchée. Quoi qu'il en soit l'intérêt que les grimpeurs de haut niveau y portent aujourd'hui prouve que je n'avais pas tort de le trouver magnifique et de m'y acharner alors qu'il était dans un quasi oubli depuis plusieurs années après son ouverture par Graham en 2001 (2 semaines après que je me sois sévèrement foulé la cheville dans un bon essai).

Les mauvaises langues diront qu'Ondra a essayé ce bloc parce qu'il est sur mesure pour lui (réglettes, léger dévers, petits pieds), et/ou parce que c'était le seul passage sec, davantage que pour des considérations esthétiques, ce qui est probable. Je m'en fous, cela me fait quand même plaisir, et même s'il l'a expédié en vitesse, il ne l'a pas flashé, ce qui est plutôt flatteur pour un passage pile poil dans son style.

Les paris sont ouverts. Si les conditions ne restent pas trop moisies je ne donne pas cher de The Island ou même La force du destin.
Je n'ai pas de doute que les locaux, si avares de conseils quand il s'agit de banals Hollandais dans le 8a max, se pressent comme des groupies pour aller montrer les "open projects" de la forêt, comme le dévers de la cuisinière derrière la mémel, ou des tas d'autres passages sûrement plus esthétiques comme le assis de The Island, ou "paf le cascadeur", mais celui-là je ne dirai pas où il est !

dimanche 4 décembre 2011

Flash

Récemment Daniel Woods a flashé Entlinge, un bloc suisse proposé à 8b+/8c. Que la cotation soit plus proche d'un Magic Woods ou d'un Ailefroide, peu importe, dans le référentiel Bleausard un tel passage ne peut probablement pas être moins de 8b.

Ce bloc très peu répété, assez court, est déjà considéré comme un enchaînement de très haut niveau, quand bien même réalisé après maintes tentatives. Le flasher est donc si impressionnant que cela questionne sur la notion du "flash".

Faire du 8b+/8c flash signifierait qu'en travaillant longuement, on devrait pouvoir faire beaucoup plus dur. Pourtant, seul le 8c bloc semble à peu près établi en 2011. Les quelques 8c+ bloc n'ont encore jamais été confirmés, et encore quand il s'agit réellement de blocs, mais pas d'enchaînements dépassant les 10 mouvements.

Autre hypothèse : on serait capable de flasher des passages moins d'un cran en dessous du plus dur existant après travail ? Je n'y crois pas.

Reste une dernière proposition : la notion de "flash" n'aurait pas la même signification pour tous. Flasher un bloc, c'est généralement avoir un ou deux potes qui donnent des indications avant qu'on fasse une tentative. C'est s'autoriser parfois à toucher les prises accessibles du sol (donc toutes pour un départ assis comme Entlinge...), bien sûr sans décoller les pieds. Mais où est la limite ? Le grimpeur qui réaliserait un moulage du passage pour le reproduire sur son pan et reviendrait l'enchaîner du premier coup serait-il toujours flash ?

La réalité est entre les deux, mais avec la multiplication des moyens de communication, il est facile de visionner maintes fois un passage avant de le tenter, et si on est sérieux, de s'entraîner spécifiquement sur la gestuelle qu'on a décortiquée en vidéo. http://4-seasons.tv/en/node/3888

Dans ces conditions, un flash resterait toujours difficile, mais pourrait permettre de mieux comprendre pourquoi il n'y a plus tant d'écart avec le après travail. Je parle au conditionnel car je n'ai aucun préjugé sur la méthodologie utilisé par Woods sur ce bloc en particulier.

Vu de l'extérieur la grimpe se donne des airs décontractés contradictoires avec autant de méticulosité, mais il ne faut pas être dupe quand on connaît la maniaquerie de la grande majorité des grimpeurs de haut niveau. Pour donner le bénéfice du doute à l'élite grimpante, j'attends impatiemment l'ouverture du premier 9a bloc, qui démentirait mes idées saugrenues sur la "bonne" et la "mauvaise" manière de flasher un bloc.